
Albana Krasniqi Malaj, la « Besa » albanaise pour maître-mot
Ces cœurs qui battent pour Genève ! Le CDE présente une rencontre mensuelle, en principe chaque dernier lundi du mois, nous amenant à rencontrer "7coeurs qui battent pour Genève". Au départ, cette initiative est née grâce à l’ouvrage "126 battements de cœurs pour Genève", écrit par Zahi Haddad et publié par les éditions Slatkine, présentant 126 personnalités proches de la Genève internationale, dont les parcours de vie sont inspirants. Voici le portrait d'Albana Krasniqi Malaj que vous pourrez rencontrer lors du dîner-débat du lundi 27 juin.
Albana Krasniqi Malaj
- Tirana, 1970
- Interculturalité et migration – UPA-Université populaire albanaise et Commission fédérale des migrations
- « Une mixité de populations, d’identités, de cultures et l’envie de respirer son air si particulier ! »
« Je fais partie de cette génération perdue, qui se demande sans cesse pourquoi elle doit se dévêtir de sa culture alors qu’elle l’aime. » Albana Krasniqi Malaj vit ce paradoxe depuis son arrivée en Suisse, en 1992. Trois ans après la chute du mur de Berlin. Une année après l’ouverture de l’Albanie au reste du monde. « Jusque-là, nous vivions loin de tout, déconnectés, fermés aux autres. »
Pourtant, à la maison, Albana était libre. « Mes parents étaient extraordinaires ; ils me traitaient en égale, en me valorisant, moi et mes choix. » Elle pouvait discuter de tous les sujets, argumenter, réfléchir à la marche de la planète. Notamment à travers la littérature classique, russe et française. Les mots, Albana les dévore littéralement en relisant les manuscrits de son père, romancier, qui trouvait dans les symboles et les figures de style autant de moyens pour s’évader. Elle les maîtrisera, plus tard, à l’université, en langues comparées. Puis en traduction. En jonglant avec l’albanais et le français.
Dans la foulée du mur de Berlin qui s’efface, la Suisse ouvre une ambassade à Tirana. Albana reçoit alors une bourse d’études et s’installe à Gen.ve pour y étudier la langue et la civilisation françaises. Avant d’explorer la politique sociale suisse, la médiation, la gestion des conflits et la multiculturalité. Sa soif d’apprendre lui permet de saisir les contours de sa liberté sur le mode helvétique : « En observant la démocratie directe, j’avais l’impression d’avoir vécu dans un autre monde. Je n’étais pas préparée à cela. »
La « Besa » albanaise pour maître-mot
Trois semaines après son arrivée au bout du lac Léman, Albana passe devant un centre « pour migrants fuyant la répression politique et ethnique » ; le lendemain, l’Office fédéral des réfugiés l’embauche comme traductrice-interprète. « Je travaillais parallèlement à mes études et ressentais le besoin d’être présente auprès de mes compatriotes dans ces moments difficiles. » Très formatrice, cette période emmène ensuite Albana, en 2008, à la direction de l’UPA–l’Université populaire albanaise dont elle fut l’un des membres fondateurs. « C’était comme un changement d’époque, de paradigme. Pour la première fois, l’UPA était dirigée par une personne d’origine albanaise. Une femme, qui plus est ! Nous étions capables d’avoir notre propre voix et nous sentions que nous faisions désormais partie intégrante du paysage genevois. Nous avions gagné en assurance. »
Albana encadre alors l’accueil d’urgence, la formation et la valorisation des potentiels de migrants non seulement albanophones mais représentant aussi quelque quatre-vingts pays différents. Pierre angulaire d’une migration réussie, l’intégration est son cheval de bataille. « C’est bien d’apprendre le français, mais il faut aussi trouver un emploi et développer un sentiment d’appartenance. » Pour y arriver, un mot : « l’entre-connaissance ». En Albanie, « c’est une nécessité absolue ». Via le mot « Besa », la parole donnée. Celle qui érige l’hospitalité en institution. Qui réveille le potentiel du vivre ensemble dans la différence. D’ailleurs, sous l’impulsion de l’UPA, la Besa s’inscrira à Genève dans des expositions à Plainpalais puis à l’Office des Nations unies. Une série de clichés qui montre comment les Albanais ont protégé les populations de confession juive pendant la Seconde Guerre mondiale, avant de se transformer en campagne internationale, la mondialement renommée « I am your Protector ». Remarquée à l’UPA, l’expertise d’Albana lui ouvre en 2009 les portes de la Commission fédérale des migrations. Grâce à cette activité, Albana côtoie des ambassadeurs, des consuls, des représentants de gouvernements pour soutenir des projets de développement dans des pays comme l’Erythrée, le Kosovo, le Nigeria. Avec, au fond d’elle, l’idée de concilier le monde et ses cultures. De dissiper toujours plus les paradoxes.
Zahi Haddad
Commentaires 0
Pour déposez un commentaire, vous devez être inscrit sur le site, vous avez déjà créé votre espace personnel ? Connectez-vous
Créer mon compte & commenter